Par A. Gombeaud
Tous ceux qui ont séjourné dans le Sahara gardent en eux des souvenirs de thé. Dans le grand désert, le temps n’est scandé que par Dieu et par le thé. De l’aurore au crépuscule, la journée s’écoule au tempo des prières et des verres de thé.
Je vous parle d’un thé particulier. Un très concentré, aussi costaud qu’un café ristretto sifflé le matin au coin d’un bar napolitain. Sous le soleil matraqueur et dans le vent brûlant, la survie du caravanier ne tient qu’à son sac de feuilles de menthe, ses billes de thé noir, sa bouteille de sucre et son réchaud à gaz.
En une semaine en Mauritanie, le long des rails du train minéralier, j’ai bu plus de thé que d’eau. L’incroyable quantité de sucre mêlée à la théine nous tenait lieu de vitamines. La douceur du nectar contrastait agréablement avec la rudesse des paysages.
Le thé était aussi un rituel païen, une danse des mains, un fabuleux jeu de bonneteau que je ne me lassais jamais de regarder : bouillir l’eau, rincer les verres, préparer la boisson, lever la théière en une fontaine de jouvence pour regarder le soleil percer l’or du thé.
Enfin, venait l’ultime étape qui consistait à faire valser le thé d’un verre à l’autre. Savante opération de jonglage destinée à souffler une écume fragile à la surface du thé.
Chauffeur, grutier, aiguilleur… chacun avait son style. Aucun ne m’a plus impressionné cependant que le mécano d’une énorme locomotive. Lorsqu’il préparait le thé pour le conducteur, ses hanches, son bras, son dos… tout son corps épousait les ondulations de la voie ferrée dans un fascinant mambo.
Malgré les remous de la machine, nulle goutte n’osait déborder de son verre. Il semblait véritablement dompter son thé, l’envoûter de ses mouvements, tel un charmeur de serpent.
Je ne sais plus qui m’a donné cette jolie définition. Pour les Mauritaniens, le rituel du thé tient en « trois J » : « Jmaa » : le Groupe ; « Jmar » : la Braise ; « Jar » : le Temps. Aussi, avant de reprendre la route, on en serre généralement trois infusions. Selon les Touaregs, sa saveur serait « amère comme la vie, douce comme l’amour et suave comme la mort ».
A.G.
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