Un beau livre aux confluents de l’histoire, de la biographie, du récit ethnographique.
Il est des catalogues d’exposition que l’on a plaisir à refeuilleter, comme un album photos où chaque cliché renferme des vies et des histoires. Celui de l’exposition Tea for Two, Les rituels du thé dans le monde, organisé par la Galerie du Crédit Communal entre octobre 1999 et janvier 2000, en fait partie.
Aux confluents de l’histoire, de la biographie ou du récit ethnographique, ce beau livre est à l’image d’une exploration qui révèle toute l’industrie humaine déployée autour du camellia sinensis.
Catherine de Bragance, un destin entre deux couronnes d’Europe
S’il est communément admis que l’habitude de prendre du thé à la cour d’Angleterre fut introduite par Catherine de Bragance (1638 – 1705) suite à son mariage en 1662 avec Charles II (1630 – 1685), le chapitre consacré à la « Tea Drinking Queen » nous place aux arrière – loges de son destin.
Et voilà que l’on s’imagine le réconfort que procurât le thé à l’Infante du Portugal malgré l’amer privilège d’avoir vécu au cœur de deux couronnes européennes majeures de son temps, entre luttes d’influence et intrigues de cour.
La Compagnie d’Ostende
Face aux promesses de fortune liées au commerce avec l’Orient, les Compagnies européennes des Indes voient le jour les unes après les autres. L’Empire britannique ouvre le bal en 1600 avec l’East India Company, suivi par les Hollandais (1602), puis les Français (1664).
Le récit de Diane Hennebert nous en dit plus sur la Compagnie d’Ostende fondée en 1722, ainsi que le potentiel de développement auquel elle dut renoncer face aux pressions de ses plus imposants voisins. Ainsi va l’histoire d’une Compagnie européenne des Indes contrainte de conjuguer ses ambitions en mode mineur.
Des ambitions et des empires
De Twinings à la Gorreana, les générations se succèdent pour faire perdurer l’héritage de plusieurs siècles. Du Strand de Londres aux larges des Açores, deux chapitres retracent deux histoires du thé européen.
La réussite de la famille Twinings s’étend du premier café d’Angleterre à servir du thé à la Guilde des marchands de thé, et même jusqu’à un établissement bancaire… L’importance de cette famille sur le négoce du thé britannique et mondial se maintient jusqu’à la 8e génération qui célèbre son 250e anniversaire en 1956… avant de rejoindre quelques temps plus tard le giron d’une firme d’agro-alimentaire anglaise.
Plus loin, sur un archipel au cœur de l’Atlantique, quelques clans aux patronymes lusitaniens s’efforcent de faire perdurer leur production de thé, savoir-faire acquis auprès de cultivateurs chinois que l’on fit venir de Macao en 1878.
Un art du thé à la Française
Il était un pays, la France, où n’existaient ni plantation, ni tradition de dégustation du camellia sinensis. Pourtant, il y a bien une touche française du thé, tout à fait unique, que détaille Kitti Cha Sangmanee d’origine thaïlandaise, à la tête de Mariage Frères depuis 1983.
Et c’est à Paris, ville café et capitale internationale de l’art de vivre, que s’est établie depuis le milieu des années 1990 Maître Tseng, l’une des rares femmes Maître de thé reconnues, après une enfance baignée de musique classique et de thé à Nantou (Taïwan).
L’on reste songeur sur l’art et la manière avec laquelle nos expériences de thé se sont magnifiées sous leur influence, et se sont imposées à l’égal du vin avec autant de naturel.
Naviguer sur la carte mondiale de l’art du thé
Pour la suite du voyage, le choix est vaste sur la carte mondiale du thé… entre une introduction au chanoyu ou deux chapitres dédiés aux théières, Yixing et britanniques.
Un changement de continent est tout à fait envisageable pour qui veut suivre un éclairage ethnographique sur le thé marocain ou la place des infusions et maté d’Amérique du sud.
Il sera ensuite toujours temps de revenir à la représentation du thé dans les arts ou au design des accessoires…
Invitation au voyage
A partir de l’évocation d’une personnalité, d’une marque, du nom d’une Compagnie, d’un pays, les spécialistes convoqués au service de cet ouvrage retracent des destins individuels, mettent en lumière des épisodes marquants de ce négoce mondial, décryptent la circulation et l’appropriation de cette denrée.
Ce beau livre ravira celles et ceux qui prendront le temps de déambuler au gré des chapitres en cheminant à travers les arts, les âges, les continents. En s’attardant volontiers sur chaque récit individuel, sans oublier, à chaque escale, l’enchantement de ce breuvage.
Tea for 2, Les rituels du thé dans le monde. Ouvrage collectif sous la direction de Diane Hennebert. Edition La Renaissance du Livre. 270 pages. Env. 55€. | Dimensions : 30.5 x 25.6 x 2.3 cm | ISBN-10 : 2804603253 – ISBN-13 : 978-2804603250 | Commander ce livre