« Nous vous proposons de commencer par une soupe, histoire de vous réchauffer ». Nous sommes bien à Édimbourg, capitale du Royaume d’Ecosse. Les jours d’hiver sont brefs et le vent sec souffle du nord. L’heure du thé s’ouvre donc par une soupe au cumin, servie dans une tasse à café. « Voulez-vous lire les journaux ? », demande la serveuse. Non merci, je préfère explorer les lieux du regard et basculer dans un passé glorieux.
Prologue : Au service de sa Majesté
Avant sa reconversion en salon de thé très prisé, la majestueuse salle des colonnes de la Signet Library fut un carrefour de l’histoire intellectuelle de la ville.
Créée en 1811, la bibliothèque appartient à la prestigieuse « Society of Writers to Her Majesty’s Signet », une association qui remonte, elle, à 1594. La « WS Society » siège dans l’ancien Parlement. Elle rassemblait autrefois des avocats et autres légistes chargés de rédiger les lois.
Aujourd’hui, la WS est un organisme indépendant qui propose des cours, séminaires et autres évènements liés au droit, et qui mène des actions caritatives.
Fleuron de l’architecture georgienne, la librairie paraît pensée par J.K Rowlings. Ses architectes Robert Reid et William Stark se seraient inspirés des grands cafés italiens, comme pour anticiper la reconversion des lieux en salon de thé.
A travers les fenêtres, le jour décline sur de hautes colonnes dignes d’une cathédrale, un plafond large comme un planétarium et des rayonnages de livres vertigineux. La solennité de la Signet se voit compensé par un jazz léger et un service courtois mais jamais guindé.
Chapitre 1 : l’aventurier du thé
Une fois la soupe avalée, un premier trio de plateaux vient se poser sur la table. Heureux le visiteur qui n’a pas déjeuné ! Il n’y aura pas trois étages de sandwichs et autres mignardises, mais bien six, proposés en deux services.
L’ascension promet d’être longue et l’aventurier du thé aura pour compagnon de cordée le solide « Signet Blend » de la maison qui mêle des saveurs d’Assam et de Ceylan.
D’entrée, il accompagne très bien la tourte au gibier, version bonzaï de ce classique des pubs, taillé pour les pintes et les parties de fléchettes. Une mini-quiche au saumon aux arômes de boulangerie prend le relais.
Et c’est dans ce paysage sans chichi que débarque comme une diva la panacotta au bacon. Fiérote sur ses talons, avec sa démarche de top-model, elle veut marier les petit déj anglais et les desserts de Méditerranée. Vite gobée, elle disparaît sans laisser son numéro.
Chapitre 2 : Le bibi et le bagel
Tout tea time mérite sa pincée d’humour, sa touche pop qui est au plateau l’équivalent du bibi sur la tête d’Elisabeth.
Ici, c’est une étonnante plante carnivore présentée dans un tout petit pot de fleur. Une sorte d’acras qui a poussé sur un lit de haricots. .
Enfin, au rez-de-chaussée, nous attendent deux sandwichs. A la place des increvables concombre et jambon cheddar, il y a du bœuf de qualité, souligné d’une douce crème au piment.
Débarqué d’un faubourg de Brooklyn, un souriant bagel au pastrami referme le premier chapitre sur une note gouailleuse.
Pendant ce temps, la personnalité du « Signet Blend » s’est affirmée et notre théière joue de la cornemuse. En infusant, le thé a pris toute son ampleur et laisser s’épanouir ses saveurs écossaises. Désormais, sa robe reflète des collines, des lacs et des lands battues par les vents.
Sir Walter Scott, le grand barde de ces paysages, a fait ses classes ici-même, à la WS Society. Il doit bien se trouver quelque part sur les rayons, parmi divers ouvrages savants dont une « histoire des locuteurs anglais depuis 1900 », une « Histoire de la marine britannique de 1649 à 1815 ».
Chapitre 3 : Le retour de Lady panacotta
Cinq heures passées. Nous n’en sommes qu’à mi-parcours. On rajoute de l’eau dans la théière en prévision d’une longue traversée des desserts.
Et, ça alors, revoilà la panacotta qu’on pensait ne jamais retrouver ! Elle s’est changée, pour enfiler un chemisier au café presque transparent, à peine sucré, qui met mieux en valeur ses atours que le bacon de l’entrée. Planté comme un vigile à la porte d’un club privé, un massif macaron assure la transition avec le parfait à la mangue.
Le temps de trois coups de fourchettes, un doux soleil tropical vient réchauffer sans le brusquer ce paysage du nord. Puis, tirée d’un rêve de Tim Burton, apparaît une tartelette à la citrouille, si craquante qu’on voudrait l’épargner. On n’en fera qu’une bouchée. Ou peut-être deux.
Chapitre 4 : Le conte des scones dorés
Et voilà que se dresse un dôme haussmannien, avec sa robe de chocolat, luisante comme un miroir d’ébène. Sous la cuillère téméraire, il libère une mousseline somme toute assez légère pour laisser une chance au dernier paragraphe.
L’excipit sera des plus classiques. Deux jolis scones dorés, l’un nature et l’autre aux raisins secs, arrivent main dans la main, tels deux frères dans un récit des Grimm. L’un porte la crème, l’autre la confiture. Heureusement, à ce stade avancé du repas, ils nous sont proposés en appréciables portions réduites.
A la table d’à côté, une joyeuse bande de copines abandonne la partie. Elles quittent la bibliothèque avec d’élégants sacs à main de carton, pensées de dernière minute aux maris et bambins. Chez nous, au fond de l’assiette, ne restent que des miettes. Une grande saga écossaise peut-elle se refermer sur des points de suspension ?
Epilogue : le feu et la glace
« Mais non, ce n’est pas terminé ! », s’offusque la serveuse. « Ici, un tea-time se conclut toujours… par un sorbet ! ». Ce que l’on accueille comme un ultime coup d’épée s’avèrera une heureuse idée.
Le grand livre de la Signet s’est ouvert sur le feu d’une soupe au cumin. Il s’achève sur la neige d’un paysage apaisé. L’histoire se termine ainsi. Une main amicale éteint la lumière. Il est l’heure d’aller dormir.
Pourquoi le Signet Library ?
- Un décor exceptionnel, un bel exemple de l’architecture georgienne d’Edimbourg.
- Une véritable bibliothèque des années 1800.
- Un tea time gastronomique vraiment généreux, le menu change au fil des saisons.
Informations pratiques
. Adresse. The Signet Library, Parliament Square, Edinburgh EH1 1RF, Royaume-Uni
. Horaires. Afternoon Tea du lundi au vendredi de 13h à 17h (arrivée avant 17h). Dimanche de 11h à 17h. Fermé le samedi.
. Comment réserver ? En ligne sur le site de Colonnades de la Signet Library. T. : +44 (0) 131 226 1064
. Prix : 35£ par personne
Bon plan voyage
Une arrivée à Edimbourg en avion ? L’Airlink 100 relie l’aéroport d’Edimbourg au centre-ville, 7j/7, 24/24. A partir de 7€ / adulte. 1 billet adulte inclut 2 billets enfants gratuits (lien affilié via visitbritain.com)