Gaëlle Rousseau | Théicultrice entre Paris et la Normandie

Gaëlle Rousseau | Théicultrice entre Paris et la Normandie
07/01/2024 MCT
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Faire pousser du thé à Paris, tel est le pari de Gaëlle Rousseau, lauréate 2023 de Parisculteurs, programme destiné à soutenir des projets d’agriculture urbaine dans la capitale. L’expérimentation dans sa résidence en Normandie qui débute en 2020, à la faveur du confinement, se transforme rapidement en une initiative plus ambitieuse. Ainsi naît son projet, Jardins de thé.

Il mêle son amour du thé, son goût profond pour les activités terriennes et manuelles, son expérience en gestion dans le secteur privé et dans l’innovation en cabinet ministériel, son tempérament tourné vers l’action et son désir de développer une communauté de passionnés.

La plantation de thé à l’Orée du Bois (Paris 16e)

TeaVoyages.com. Pour commencer, félicitations pour ce prix Parisculteurs 2023. A quoi ressemblera ce jardin de thé à l’Orée du Bois ?

Gaëlle Rousseau. Merci beaucoup. Il s’agira d’un jardin de 1000 plants de théiers, complété d’aromatiques. La ville de Paris souhaite développer la plantation d’arbres et s’est fixée un objectif de 170 000 arbres plantés d’ici 2026. Vergers et arbres fruitiers rentrent dans ce plan. A l’image de mon jardin en Normandie, on y trouvera de la verveine citronnée, de la menthe, de la sauge, de la reine des prés, de la guimauve et des fruitiers. Je prévois deux pommiers, un poirier, un cognassier et une partie de fruitiers palissés.

Il y a deux raisons à ce choix. D’une part, ces arbres-là poussent très vite, ce qui permettra dès la première année de faire des infusions. Ils sont aussi un bon point d’entrée pour les visites pédagogiques. D’autre part, comme je suis fan du jardin d’Albert Kahn, j’ai prévu dans ce projet une petite maison japonaise, avec un pavillon de thé.

 

Comment comptes-tu t’y prendre pour planter les mille théiers ?

G.R. Je suis actuellement en phase de recrutement. Je recherche une personne pour s’occuper du jardin de thé à Paris. Je rencontre bientôt une première candidate de formation agro qui a une première expérience dans le thé au Japon. Je pourrai alors m’attacher à développer son modèle économique, avec l’objectif à terme d’embaucher une personne qui travaillerait avec moi.

Par ailleurs, pour s’occuper de la plantation, j’ai une petite équipe de planteurs bénévoles qui m’ont contactée via les réseaux et je les en remercie. On a prévu de planter à partir de mi-janvier 2024 selon la météo.

 

Quels sont les critères pour être planteur bénévole ?

G.R. Aucun critère en particulier ! Vous êtes les bienvenus ! Envoyez-moi un message, je préparerai un repas au thé, on boira du thé et on passera la journée à planter du thé. On n’arrivera peut-être pas à planter les 1000 plants, mais j’espère au moins la moitié durant le week-end.

 

Comment s’organise le calendrier de plantation ?

G.R. En automne, cela se fait habituellement avant les pluies d’hiver, en fonction des prévisions météo, ce qui permet aux plantes de bien s’installer en espérant qu’il n’y aura pas de gelées en janvier. Je privilégie un arrosage naturel. Cet automne, la météo en Normandie, entre chaleur et humidité, a été optimale pour mes théiers.

 

Avec un objectif de mille plants, quel est le niveau de production escompté ?

G.R. A moyen terme, on table sur 30 g de thé sec par plant à partir de 5 ans. Comme je dispose de la concession pour 12 ans, j’ai le temps de développer la partie récolte.

 

Parisculteurs fixent-ils des objectifs particuliers ?

G.R. Le projet que l’on soumet doit présenter un plan de financement, en préciser les modalités, les chiffres d’affaires attendus, les niveaux de récolte. Tout devait être très détaillé. L’idée derrière ce projet est de proposer un thé parisien.

 

Avec une plantation en janvier, sera-t-il possible d’avoir des plants de thé dès mars ?

G.R. J’aimerais ouvrir au printemps et profiter des JO à Paris cette année, en espérant que les choses se passeront bien au niveau de la circulation et de l’arrosage.

Si j’ouvre le jardin, ce sera pour des visites guidées payantes, sous la forme d’une journée pédagogique où j’expliquerai la culture du thé, et bien sûr, on boira du thé !

J’ai investi dans de grands théiers qui seront plantés en janvier.

 

En dehors de la cueillette, est-il prévu de transformer les feuilles à l’Orée du Bois ?

G.R. Oui. Aujourd’hui, je fais tout à la main mais je suis en train d’acheter du matériel pour transformer les feuilles de thé. Avec Théiculteurs Associés, une coopérative que je viens de lancer avec deux collègues, l’idée est de proposer une aide à l’installation en théiculture ainsi que des formations labellisées Qualiopi.

On travaille sur un projet de pépinière et un labo de transformation qui sera mis à disposition. Il en existe un dans le sud, où se trouvent mes collègues. Quant à moi, je serais sur la partie nord, avec une unité mobile en location à la journée, comportant une machine de roulage, qui pourrait circuler comme un foodtruck. Il me reste à voir où je le stationnerai entre Deauville et Paris. Le plan d’urbanisme (PLU) dans le cadre de Paris 2024 est très strict compte tenu qu’il s’agit d’un site classé.

 

Cherches-tu à t’étendre, à recruter ?

G.R. C’est vrai qu’avec un parcours dans le commercial et le marketing, j’ai du mal à me réfréner et à faire des mini projets dans mon coin, mais je n’ai pas l’ambition d’être une grande structure. Je cherche plutôt à voyager, et à ce stade de ma vie, à me faire plaisir aussi. A terme, si on peut être trois ou quatre, ce sera très, très bien et je n’envisage pas de faire plus.

Et même si on reste à deux, ce sera très bien. Je ne suis pas contre l’idée de trouver un à deux associés car je pense qu’il y a beaucoup à faire, entre la partie agricole, la partie transfo, la partie touristique, ainsi que mes engagements pour développer une filière en France et en Europe. On peut largement être deux ou trois personnes pour porter le projet.

 

Cela signifie t-il que tu envisages de nouer des partenariats par exemple ?

G.R. J’ai décidé d’être moins sur un projet d’expansion, c’est-à-dire ne pas avoir des hectares, mais plutôt d’évoluer à travers des collaborations. Je travaille avec la coopérative Agrial (NDLR : Coopérative d’agriculteurs au service du « bien manger ») afin d’encourager les agriculteurs à planter du thé, même si cela paraît de prime abord impossible.

 

Et en matière de tourisme ?

G.R. Je mise, d’autre part, sur le « tea tourisme » pour aider les consommateurs à développer leurs compétences et leurs connaissances sur le thé. J’ai pas mal voyagé en 2023.

J’ai visité une ferme de thé au Japon qui accueillait au quotidien des gens du monde entier. Leur modèle économique est beaucoup basé sur le « tea tourisme ». Je reviens d’Inde où le gouvernement encourage les planteurs dans ce sens. Ils ont accepté de dédier une partie des sols à l’hébergement touristique au cœur des plantations pour compenser les enjeux liés à la vente.

Au fond, quand on voyage, on se rend compte que ce n’est pas si nouveau. En France, beaucoup de petites fermes proposent du gîte à la ferme, des tables d’hôtes en plus de leur activité agricole

 

Le projet est en réalité multi-activités, au-delà de la plantation de théiers et de la vente de thé ?

G.R. Cela correspond aussi à ma personnalité. C’est pour cela que j’avais candidaté pour Parisculteurs et je suis très contente d’avoir été primée. On va commencer par planter 1000 théiers, ce qui n’est pas négligeable en termes de culture. C’est aussi l’occasion de toucher tous ceux qui vivent, traversent ou passent par Paris au quotidien ou en visite. Ce jardin parisien, devant le Jardin d’Acclimatation, à côté de la Porte Maillot, permet d’élargir le périmètre d’accueil et de sensibiliser un maximum de gens au thé.

Dans mon autre jardin en Normandie, près de Deauville, il s’agit d’une zone plus touristique, les gens viennent vers la mer pour des activités de campagne. Il n’est pas simple d’attirer le public vers des jardins comme le mien, moins facilement accessibles, à moins d’être ultra-passionné.

 

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©Parisculteurs

A l’origine du projet

Ce projet parisien est le prolongement de tes expérimentations en Normandie. Comment tout cela a-t-il commencé ?

G.R. J’aime le thé depuis toujours. J’avais suivi les premières formations de Palais des Thés à l’ouverture de leur Ecole de thé. Puis j’ai fait ma carrière dans le domaine de l’innovation digitale.

A une époque, j’avais rénové un château, j’avais travaillé dans le domaine du vin et lancé des soirées œnologiques. Je m’étais déjà intéressée à tout ce qui touche au parcours de dégustation. Si seulement, j’avais fait cela dans le thé à l’époque ! J’adorais le thé mais je n’avais pas encore saisi que je pouvais en faire pousser chez moi. C’est pendant le confinement qu’a eu lieu le déclic.

 

Quel a été ce déclic ?

G.R. J’étais confinée en Normandie dans ma maison, avec un petit jardin où poussent des camellia japonica ornementaux. Et je me dis alors : « mais, en fait, le théier, c’est un camellia !  Je devrais pouvoir faire pousser des camellia sinensis, du thé ! »

L’idée germe dans ma tête. Je décide de prendre des graines, j’en récupère 300, que je fais pousser dans mon salon. Et ça marche. Avec des graines fraîches, il est assez facile de faire des semis. C’est long, cela prend quelques mois mais pendant le confinement, on avait le temps. Les graines ont poussé.

 

Comment faire face à cela ?

G.R. Je me suis demandé ce que j’allais en faire. Je me mets à la recherche d’un terrain pour les planter car mon jardin n’est pas suffisamment grand. Je me rapproche des chambres d’agriculture et me rends compte qu’il est très difficile d’accéder au foncier agricole.

Comme je m’intéresse à l’agriculture, je m’inscris à un cursus agricole au lycée Le Robillard en Normandie, avec une spécialité en plantes aromatiques et plantes médicinales. En effet, le thé compte parmi les 148 plantes médicinales libérées, cultivables et librement commercialisables en France.

 

La période du confinement a été propice…

G.R. Pendant cette période, je prends le temps de m’intéresser à tout cela. Sur Facebook, je tombe sur une annonce publiée par un maraîcher bio, situé à 5 km de chez moi. Il propose une activité de cueillette de courges. Je décide d’y participer mais cela ne sera que plusieurs mois plus tard, en septembre.

 

En attendant, les théiers continuent de pousser chez toi ?

G.R. Exactement. Voir les théiers pousser dans mon salon, ça me travaille. Je décide d’aller rencontrer des producteurs de thé. Je visite le jardin de Denis Mazerolle en Bretagne.

Puis, en juillet 2020, pendant une courte brèche qui s’ouvre durant le confinement, je prends ma voiture et me rends chez Paolo Zacchera qui gère La Compagnia Del Lago en Italie, où je me procure des théiers. Les plantations de thé de Paolo sont magnifiques. Je pense à mes graines qui poussent, je trouve cela génial, et face aux plantations de Paolo, je me rends compte qu’il est possible de faire mon propre jardin.

 

J’imagine que tu reviens ensuite en France…

G.R. Effectivement, je reviens en Normandie et participe en septembre 2020 à cette cueillette de courges organisée par Rémy. On est cinq – six et le domaine est incroyable. C’est une ancienne ferme augeronne, du pays d’Auge, du 18e siècle avec des maisons en toit de chaume dans un grand domaine de 60 hectares.

Entourée de forêts, elle est en fait la propriété de la Communauté de communes Cœur Côte Fleurie de Deauville, qui accueille des activités agricoles innovantes. Elle abrite une ferme de spiruline, un maraîcher bio, un autre de lombric compost, un jardin de fleurs.

C’est une évidence pour moi, c’est là que je vais planter mes théiers. Je candidate, comme je le ferai plus tard auprès de Parisculteurs, et je m’y installe en novembre 2021. Ils me donnent une zone test. J’ai un contrat. Je commence à planter.

 

C’est un sacré changement…

G.R. A partir de là, je me dis qu’il ne sera plus possible de retourner travailler comme avant. Je décide de devenir théicultrice. Mes bébés théiers ne sont pas encore complètement prêts, alors je place en serre les théiers que j’ai achetés en Italie. Une fois lancée, je suis assez active !

 

Rétrospectivement, face à cet enchaînement, te souviens-tu de l’instant précis où tu décides véritablement de te lancer dans la production de thé ? De tenter quelque chose qui irait au-delà de ton salon ?

G.R. Je crois que cela remonte précisément à ma rencontre avec Paolo en Italie. Je n’avais pas encore voyagé dans un pays où l’on faisait pousser du thé. J’avais voyagé mais pas aussi loin, pour le thé.

J‘ai toujours aimé le côté agricole, j’avais déjà visité des plantations de vanille, de bananes, d’ananas mais sans y songer plus que cela. Et je crois que le jardin de Paolo m’a vraiment bluffée. Me retrouver au milieu des théiers avec une plantation dont le nom évoque directement le Lac Majeur… quel endroit magnifique ! Voir un jardin comme celui-ci m’a vraiment donné envie de me lancer.

 

Comment décrirais-tu son jardin ?

G.R. Il est au pied des montagnes et très grand. Ses théiers adultes ont été plantés depuis quelques années. C’est vraiment un champ de thé comme tu l’imagines, dans des endroits que tu as pu visiter aussi, dans une très belle région. Son champ est protégé et un peu dans les montagnes.

Après cette visite du jardin près du Lac Majeur et l’accueil qu’il m’a réservé, je me suis dit « Je veux avoir le même jardin que Paolo » ! (rires). Plus tard, l’histoire des courges m’a fait le même effet : « ce lieu est superbe, c’est là que je voudrais m’installer ».

 

Changement de trajectoire

Cette première expérimentation dans ton salon et ces quelques rencontres en 2020 ont suffi à te faire changer définitivement de trajectoire ?

G.R. Ce qui m’a décidé à rester en Normandie, je m’en rends compte une fois de retour en France, c’est qu’au fil du temps, on accumule des frustrations. Ce confinement, comme beaucoup de gens, je pense, m’a mis en colère… et alors, je peux te dire que faire des trous dans la terre, il n’y a rien de mieux. Je n’ai jamais consulté de psy, comme ce peut être le cas de beaucoup de personnes, mais je conseille vraiment aux gens d’aller faire des trous dans leur jardin.

 

Faire des trous dans le jardin ?

G.R. Exactement. Moi, j’ai fait mes mille trous.

Le temps d’une journée, je fais dix trous, je plante dix arbres et je te garantis que le bien-être que l’on ressent est absolu.

Franchement, il n’y a rien de tel. Je ne sais pas si cela me permettra d’être centenaire comme à Okinawa, mais il n’y a rien de mieux que d’être dans la terre, de toucher la terre.

En tout cas, après avoir fait tout cela, il était évident que je ne retournerais pas au travail comme avant, que je ne reprendrais pas le métro, que je ne retournerais pas dans un bureau, ni au ministère…

C’est incomparable avec la sensation que procure le fait d’être dans le jardin. J’ai toujours vécu près de jardins, dans des maisons, mais j’étais arrivée à un point de ma vie où j’avais accumulé tellement de frustrations que là, ça m’a permis de me libérer et de retrouver une sérénité, un côté joyeux.

 

Rapidité dans l’action

Lorsque j’ai interviewé Denis Mazerolle (voir ici), nous avons évoqué le temps qu’il a fallu entre ses premières plantations et le moment de la commercialisation. Il s’est bien écoulé quinze ans. Et toi, tu fais tout cela en quelques années à peine. A quoi pourrais-tu attribuer cette rapidité ?

G.R. C’est mon tempérament. Dans mes choix personnels, c’est pareil. Dès que j’ai une idée en tête, elle se réalise très vite.

Mais pendant mon séjour de trois mois au Japon, j’ai posé énormément de questions. Cela les a surpris, ils ne s’imaginaient pas que je puisse poser autant de questions. J’ai dû m’adapter au fait que chez eux, l’apprentissage s’inscrit dans le temps long. Ce que je comprends de leur approche, c’est que tu ne peux pas du jour au lendemain changer l’ordre des choses aussi simplement que cela. L’expertise se construit sur une vie complète.

 

Cela touche à quelque chose de l’ordre de l’apprentissage par imprégnation…

G.R. C’est tout à fait ça. L’apprentissage dans les cultures asiatiques est de l’ordre du temps long. Je pense qu’en Europe, on est un peu plus speed, on évolue en posant des questions, en essayant de comprendre, de reproduire et, personnellement, j’ai cette façon d’être.

Je ne dis pas que dans ce projet, il n’y aura pas de temps long dans mes apprentissages, car au fond j’ai commencé sans y connaître grand-chose. Mais en tout cas, le temps de l’action chez moi est assez court.

Je sais que cet apprentissage va être pour moi un journey. Le thé, c’est mon ikigai, ma raison d’être, c’est ce que je veux faire jusqu’à la fin de ma vie.

J’ai tellement de voyages en tête et j’ai rencontré tellement de personnes… Ce sera, je l’espère, mon dernier grand projet. L’intensité, l’énergie que je vais déployer sera dans ce projet-là. Et oui, dans l’action, je suis hyper rapide.

 

Irais-tu jusqu’à dire que cette rapidité explique d’une manière ou d’une autre que ce que tu as semé ait poussé aussi vite ?

G.R. (Gaëlle sourit de ma question). Non, non, non, pas du tout. C’est simplement que mon investissement financier a été d’emblée plus important. Je me suis rapidement procurée de grands théiers. Effectivement, l’agriculture, c’est le temps long, et donc j’ai dans le jardin des théiers de deux ans, que j’ai achetés, qui mesuraient déjà 80 cm de haut. Il y en a aussi d’autres, plus jeunes, que j’ai plantés.

 

C’était une évidence de se procurer de grands théiers ?

G.R. La grande frustration, quand on se lance dans le thé, c’est qu’on ne peut pas s’entraîner quand on n’a pas de feuilles. Il y a donc deux façons de faire. Soit, tu achètes des plants plus grands qui vont te donner plus de feuilles. Soit, tu pars en immersion dans des fermes qui veulent bien t’accueillir pour aller faire du thé avec eux. En France, il y a des planteurs qui ont passé plusieurs mois et années à l’étranger, dans les fermes en Asie, pour suivre ces apprentissages.

Mais la grande frustration, une fois de retour en France, c’est que la première année, tu récoltes une grosse poignée de feuilles, tu t’entraînes une fois, et puis ensuite il faut attendre un an jusqu’à la récolte suivante. Et donc ça c’est dur, c’est frustrant (dit-elle avec emphase et en riant).

 

Tu as donc décidé de voyager en attendant que tes théiers grandissent…

G.R. Je me suis rendue au Japon qui m’attirait depuis toujours. Je suis hyper contente d’avoir été sélectionnée dans cette ferme, même si c’était dur de travailler à la japonaise car le rapport au travail est différent du nôtre. Mais l’opportunité était top !

 

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© Gaelle Rousseau – Jardins de thé

Entre Paris et la Normandie, le goût de la terre

Avec ce projet de thé, tu renoues avec ton intérêt de longue date pour le monde agricole…

G.R. Quand je travaillais dans le vin, je collaborais avec la plus ancienne maison de Sancerre. J’ai beaucoup d’amis agriculteurs. J’adore les processus industriels, comme agricoles. C’est pour cela que je parle d’ikigai. Ce projet est véritablement à la confluence de mes expériences, de mon besoin et de mes centres d’intérêt, qui se matérialisent dans ces plantations de thé.

 

En ce moment, comment partages-tu ton temps entre Paris et la Normandie ?

G.R. J’alterne en passant une semaine à Paris et une semaine en Normandie, et ça me va bien.

 

Quel thé produis-tu dans ton jardin en Normandie ?

G.R. L’un des thés que je produis en ce moment est inspiré du kyobancha, le bancha de Kyoto, une découverte énorme pour moi en termes de goût, de facilité de transformation – toutes proportions gardées, il y a quand même un savoir-faire – et le fait qu’on puisse cueillir beaucoup plus bas.

Dans ma logique de rendement, je vais beaucoup plus loin, plus bas, dans la cueillette des feuilles. Le kyobancha, c’est un deep steaming d’une heure, les feuilles dures ont le temps de rendre leur arôme.

De ce point de vue-là, les voyages sont vraiment intéressants. J’ai décidé de voyager chaque année, d’une part parce que je rencontre plein de gens formidables, mais aussi parce que je me rends compte que le monde du thé est une communauté bien plus vaste que ce que j’avais imaginé.

 

En Normandie, comment se passe la croissance de tes théiers ?

G.R. J’ai l’air de raconter toute mon histoire en étant très à l’aise mais en Normandie, j’ai de grands problèmes avec les sangliers. Je suis dans une forêt et régulièrement, ils me retournent le jardin. A Paris, j’aurai moins ce problème. Là-bas, ils m’ont déplanté plein de théiers que je dois replanter. Au quotidien, je passe mon temps à planter, à remplacer des plants. Là, je vais m’occuper des paillages pour l’hiver. J’essaie de recycler les sapins de Noël.

 

S’il n’y a que les sangliers…

G.R. J’ai aussi un problème avec les chevreuils qui, dans le plein hiver, viennent manger mes jeunes pousses parce qu’il ne reste que ça de vert dans les campagnes. Je dois donc mettre des filets de protection.

C’est pas mal de travail pour une seule personne. Il me faut plusieurs jours pour mettre les filets, les installer, pailler, replanter. Récemment, il y a eu des tempêtes, avec des grands coups de vent. Mon portail et mon enseigne se sont effondrés, ça fait 2 mètres 50 de haut, il faut que je le remonte.

 

Je ne soupçonnais pas que tu étais si portée sur les travaux manuels.

G.R. J’ai un autre petit portail que j’ai fait moi-même, j’adore construire des petits cabanons. Mais les sangliers, eux, ne voient pas les portes et ils l’ont défoncé. Cela veut dire qu’il faudra le remonter, refaire des trous, retrouver des rondins, refixer les rondins, remettre le portail, réparer les petites branches qu’ils ont cassé. Tout cela prend des journées de travail.

 

J’imagine que tu es sur le pont sous tous les vents…

G.R. Hier, j’étais dans l’autre jardin, j’ai planté à la pelle, il pleuvait, ça ne me gêne pas d’être sous la pluie. Il y avait beaucoup de terre que je voulais récupérer, j’ai charrié près de 50 sacs de terreau. Oui, tout cela est hyper physique. C’est là qu’avoir un associé m’aiderait bien !

Et il y a les semis. J’ai ramené des graines de théiers, je dois les planter. A côté de cela, pour Théiculteurs associés, on est en train de monter un parcours de formation à la théiculture, donc, je ne chôme pas. Je travaille 7j/7.

 

La filière du thé français

Puisque tu parlais d’ikigai, peux-tu nous partager ta vision sur le thé en France ? Qu’est-ce que ton expérience t’inspire ?

G.R. Je crois que mieux comprendre ce que l’on mange et ce que l’on boit est dans l’air du temps. En France, pour le thé, on part de très, très loin. On a cette tradition des thés aromatisés, avec de grandes maisons qui existent depuis très longtemps. Il en faut pour tous les goûts.

En revanche, c’est une autre expérience que de goûter un produit fait par des agriculteurs, sans qu’il soit transformé avec des saveurs externes ou d’autres choses. On aurait du mal à boire du vin à l’ananas ou du vin au caramel. Dans la culture du vin, on connaît les cépages, on valorise le travail de vinification et d’assemblage du viticulteur. J’ai du mal à comprendre pourquoi cela n’existe pas encore dans le thé. Ma vision tourne autour de cela.

C’est pour cette raison que mes jardins incluent une partie pédagogique. A côté des 15 000 tonnes de thé importées chaque année, ce que des producteurs comme moi et d’autres proposons est très loin de pouvoir remplacer la consommation actuelle. Les études réalisées par 60 Millions de consommateurs en 2022 et il y a trois ans montrent la présence de pesticides dans les sachets de thé de plusieurs marques vendues en grande surface.

Or dans les projets comme le mien et d’autres, nous ne sommes pas sur les mêmes types de culture en termes d’intensité.

L’existence d’une culture du thé en France reste encore peu connue.

G.R. Ce qui est aussi dans l’air du temps, c’est l’envie de mieux comprendre la provenance de ce que l’on mange, les circuits courts, les filières, donc je pense que cela constitue aussi un levier pour les thés français.

Le fait que ce soit cultivé en France, localement, permet de valoriser un nouveau savoir-faire.

Au sein de l’association professionnelle Tea Grown in Europe, nous avons travaillé sur une charte de culture biologique, avec un cahier des charges qui respecte l’environnement, etc. C’est un support de communication pour le thé que l’on produit.

A mon sens, dans tous les pays producteurs et importateurs, il y a un effort réel à faire pour valoriser les thés produits localement auprès des consommateurs locaux. Pour mettre en valeur auprès des consommateurs français des thés produits en France, mais aussi des thés d’origine de Chine, du Japon ou d’Inde qui ne soient pas aromatisés. Cet effort conjoint pourrait être mené autant que possible avec des filières protectrices de l’environnement, des théiculteurs et des professionnels de ces milieux car ce sont des métiers très durs.

 

Quels autres segments te paraissent porteurs ?

G.R. Il y a la partie touristique. La France est quand même un pays de tourisme. Un autre modèle que l’on va trouver est celui des assembleurs de thés aromatisés, qui développent également leur plantation.

 

Que partagerais-tu de ton expérience avec d’autres producteurs qui envisageraient de se lancer dans le thé ?

G.R. L’amour du produit est essentiel. De même que partager ces valeurs de mieux manger, de mieux consommer, de circuit court. Je ne pense pas que ce soit un domaine dans lequel on se lance pour faire fortune, en raison notamment des volumes nécessaires pour être référencé auprès des distributeurs.

Et puis, il y a l’innovation. Le thé est un produit innovant pour la France, avec une nouvelle filière qui s’installe. Avoir envie de participer à cet élan et envie de le faire connaître est essentiel aussi.

Il existe des pôles de compétitivité agricoles qui s’efforcent de développer la filière du thé en France. On y trouve des pépiniéristes, des producteurs et d’autres acteurs de la chaîne de valeur.

Le message que je voudrais faire passer auprès de ceux qui envisagent la culture du thé est qu’il y a du thé en France. Donc rejoignez-nous, qui que ce soit, moi ou d’autres producteurs.

 

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© Gaelle Rousseau – Jardins de thé

Cultiver son champ de thé

Qu’est-ce qui te donne envie de te lever chaque matin ? Qu’est-ce qui te pousse à aller plus loin ? De faire tout ce que tu fais ?

G.R. Il y a des matins où il faut que je me pousse, comme quand il pleut ou que les sangliers ont tout dévasté. J’ai prévu de passer ce week-end dans le jardin pour voir quels sont les dégâts. Et là, je ne me lève pas en me disant « ah chouette, les sangliers sont passés, ils ont tout saccagé, je vais devoir remonter mon portail ».

Il y a des matins où je sais que ça va être très physique. Mais je sors, je mets le premier coup de pelle, et puis, tout d’un coup, il est 20h, il fait nuit, il faut que je rentre. En fait, une fois dehors, je ne sors plus du jardin.

Je ne suis pas du matin, mais une fois que j’y suis, je n’ai plus envie de partir, je ne sais pas comment l’expliquer. Il y a quelque chose qui se passe. Je suis toute seule, au milieu de ce champ. C’est hyper agréable, un peu comme quand tu te retrouves au milieu d’un champ de thé dans un autre pays, c’est assez unique, tu n’as pas envie d’être ailleurs. Bien sûr, j’ai une to-do list et quand je vois les sujets administratifs, je me dis que je commencerais plutôt par m’occuper du jardin !

 

Te retrouver dans le jardin est vraiment quelque chose qui te fait du bien…

G.R. Oui, le fait d’être dehors… Il y a aussi cette sorte de… Avec ce projet sur une simple parcelle de 1900 mètres carrés, je crée autour de moi une certaine dynamique, des attentes chez les gens à qui je parle de tout cela. Je n’ai pas le droit de les décevoir.

Quand tu travailles seule, à ton compte, que tu n’as pas de collègues à retrouver le matin, ce n’est pas toujours simple de se dire « bon allez, je vais faire telle ou telle chose aujourd’hui ». Le fait d’avoir autour de moi une communauté de gens avec qui partager tout cela m’encourage à aller au bout de ce que je dis, de ce que je projette. Cela m’oblige à avancer.

 

Je ne suis pas certaine que ce soit dans ton tempérament de ne rester à rien faire…

G.R. Il y a une partie de moi qui est comme ça tout de même. Le fait qu’il y ait des personnes comme toi aujourd’hui qui m’interviewe, cette communauté, qui ont des attentes, tout cela me donne l’obligation d’y répondre.

Oui, quand je vais au jardin, je me sens bien. Mais face aux gens qui ont des attentes vis-à-vis de moi, ou à Parisculteurs qui me fait confiance pour faire un jardin, je ne peux pas ne rien faire. Je me sens une obligation. C’est un peu mes chefs symboliquement et je ne veux pas les décevoir.

 

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© Gaelle Rousseau – Jardins de thé

Oser

Au fond, tu avances dans ce projet selon deux temporalités. Un temps rapide, avec de grands plants pour aller un peu plus vite. Par ailleurs, tu t’autorises aussi à aller plus lentement…

G.R. Oui, dans dix ans, j’aurais peut-être un regard différent. Cette urgence est aussi liée à l’âge que j’ai.

 

On en revient au temps long…

G.R. Oui, si je prends l’exemple des jeunes qui s’installent, qui sortent de l’école agro et qui veulent se consacrer au thé, comme la jeune femme que je vais rencontrer demain, et qui va peut-être se lancer dans sa plantation, et qui ont 25 ans aujourd’hui, ils peuvent se projeter sur les dix prochaines années… Pour moi, c’est différent.

 

Certes, mais à 25 ans, peu nombreux sont ceux à disposer de l’assise financière pour se lancer comme tu le fais…

G.R. Alors oui, c’est vrai, je n’ai plus 25 ans, je dispose d’une plus grande assise pour ce projet mais le temps est compté. C’est aussi parce que j’ai cet âge-là que… quand je te parlais de ma demeure en Bourgogne et de mon expérience dans le vin, j’avais 5 hectares de jardin, j’aurais largement pu faire un beau jardin de thé. J’aurais été moins dans l’urgence. Mais j’avais 30 ans, des projets à côté, mes enfants…

Aujourd’hui, le thé est ma vie professionnelle, ce qui explique que j’essaie vraiment de faire avancer les choses. Parfois, je me dis, mince, si j’avais fait cela il y a dix ou quinze ans, j’aurais planté des théiers tout en poursuivant mon parcours professionnel, je travaillerais aujourd’hui à partir des acquis de mon jardin qui aurait poussé entre temps.

 

Je sens que tu as là un message à passer… 

G.R. Oui, deux messages. Le premier : rejoignez-moi ! (rires) Et le deuxième : on n’a qu’une vie, faites-vous plaisir, allez au bout de vos envies. Après, il sera trop tard. Les contraintes ne sont que dans nos têtes. Même quand on ne connaît pas un sujet, on peut apprendre. En fait, le seul frein, c’est nous-même. Si vous vous autorisez à faire ce dont vous avez envie, vous le ferez.

 

N’as-tu jamais ressenti les freins que rencontrent beaucoup de personnes ?

G.R. En réalité, c’est tout à fait l’inverse. Je ne comprends pas que les gens aient autant de freins. Rétrospectivement, je me dis que j’aurais dû être encore plus rock‘n’roll à 25 ans. Avec le recul, je réalise que quand on est jeune, on ne sait pas toujours, on n’ose pas, on se dit qu’il faut aller dans le sens des choses, gagner sa vie, mais on n’a qu’une vie. Cela faisait longtemps que j’avais envie de faire un tour du monde et de partir. Mais ce n’était jamais le bon moment.

 

N’y a-t-il pas un temps pour tout…

G.R. Oui, c’est vrai, j’ai fait des enfants et c’était une chose très importante dans ma vie. Mais je pense qu’on se met trop de barrières.

 

Comment expliques-tu que tu ne te sentes pas plus concernée par cela ?

G.R. Petite, j’ai été élevée de manière très stricte, dans le respect des règles. Mais il y avait aussi dans ma famille des entrepreneurs, des personnalités avec un côté rock’n’roll. Je pense avoir hérité de ce goût du risque.

Il y avait aussi un certain nombre de contraintes à respecter, entre autres à ne pas trop se faire entendre en tant que femme. Enfant, je ne parlais jamais, j’étais ultra-timide, les profs l’indiquaient même sur les bulletins de notes. Personne ne me croit quand je dis ça. Si, si. Pendant longtemps. Et un jour, j’en ai eu marre.

 

Que s’est-il passé ?

G.R. Vers 26 – 27 ans, je me suis dit, je vais oser, et du coup, j’ai fait des choses plus intéressantes professionnellement.

On m’avait contactée pour un poste au sein d’un grand cabinet de conseil. J’étais chassée. Et là, je me dis « non, je n’ai pas le niveau, je ne pourrai pas ». Pendant longtemps, c’est ce que je me suis dit, même si je n’en ai pas l’air aujourd’hui. Je me disais « non, ça ne va pas être possible ». Autour de moi, parmi des personnes de ma hiérarchie, l’on me disait que ce n’était pas pour moi, que ce ne sera pas compatible avec des projets de vie plus perso, famille, etc. J’avais un côté rebelle qui était tout petit. J’hésite.

Je rappelle une personne du service RH car je leur avais dit que je pensais partir. Donc, je l’appelle et lui dis, « Ecoutez, je crois que je ne vais pas y aller ». Elle me répond, en substance, qu’elle n’est pas étonnée car on l’avait déjà prévenue dans ce sens.

 

C’est effectivement ce que tu as fait ?

G.R. Et là, je me dis « eh bien, puisque c’est comme ça, je vais y aller ! ».

J’ai pris ce poste de consultant, et quand ils m’ont recrutée, ils m’ont demandé si je voulais être Directeur de mission ou Consultant senior ? » J’ai pensé, « Directeur de mission, mais je n’ai pas le niveau pour être Directeur !? »

Cela faisait quatre – cinq ans que je travaillais, entre autres en Angleterre dans le centre de recherches de Xerox. Je ne pensais pas que j’avais fait quoi que ce soit de particulièrement bien mais pour qu’ils me chassent, c’est que j’ai dû faire des choses bien, tout de même.

Je me dis « Directeur, quand même… ». Dans le conseil, on a vite fait de se retrouver devant un Codir, le DG d’un grand groupe, pour présenter des recos sur toutes sortes de sujets.

Tout cela m’a donné une sacrée confiance. Cela m’a aidé à me dire, oui, je peux l’ouvrir beaucoup plus. Et du coup je me suis rendue compte qu’en prenant un peu des initiatives, finalement, tu obtiens bien plus qu’en restant dans ton coin.

 

Plus d’hésitations à avoir, alors…

G.R. Donc, plus j’avance, plus je me sens libre d’exprimer ce que je veux, et de moins souffrir du regard des autres.

Depuis quelques temps, j’habite plus régulièrement en Normandie mais je n’ai pas pu tout de suite changer mon profil LinkedIn. Ce n’était pas évident de me présenter sous une nouvelle identité professionnelle, qui plus est, dans l’agriculture. Parmi les réactions autour de moi, j’ai pu entendre des choses comme : « Mais tu vas arrêter de faire un métier intellectuel, alors ? ». Or un bon nombre d’agriculteurs utilisent des drones, de la techno dans tous les sens, ils ont des tableaux de bord dans leur tracteur, il n’y a pas plus digital ! Les clichés ont la vie dure.

Il faut assumer le regard des gens et ce n’est pas simple. Aujourd’hui, je l’accepte plus facilement parce qu’il y a des gens, comme toi, qui trouvent que ce que je fais, c’est top. Et c’est ce qui me motive. Mais pendant deux ans, je n’ai pas pu dire que je faisais de l’agriculture. J’avais l’impression de faire un bond en arrière, de régresser, et des gens m’ont quelques fois renvoyé cela aussi.

Aujourd’hui, je suis contente, en tant que femme, de valoriser une initiative agricole.

 

En connais-tu d’autres dans ton cas ?

G.R. Oui, tout à fait. Pendant longtemps, j’ai fait partie d’associations de femmes – chefs d’entreprise, et c’est vraiment top de voir des femmes qui assument de faire ce qui leur plaît vraiment.

 

Ce doit être de belles rencontres, j’imagine.

G.R. Absolument. Ce qui me fait plaisir, c’est de voir des femmes et des hommes, mais surtout des femmes, qui osent aller au bout leurs envies, malgré les préjugés sur certains métiers, sur notre rôle en tant que femme. Mais quand on s’en libère, cela crée plus d’épanouissement.

 

Ce que tu dis est vraiment intéressant car justement, le domaine du thé en France compte pas mal de femmes.

G.R. Oui, très juste !

 

Interview réalisée en décembre 2023 par Marie-Claire Thao